Un jeune lévrier, d'un fort doux caractère,
Avec son maître voyageait.
Dans un hameau comme il entrait,
La queue en l'air, cherchant connaissances à faire,
Voilà que tout-à-coup tous les chiens du pays,
Jusqu'aux moindres roquets, accourant à grands cris,
Sur lui brutalement se jettent
Et sur le sol boueux le roulent, le maltraitent.
Notre pauvre animal, tout meurtri, tout sanglant,
Se relève clopin-clopant,
Puis, à ses agresseurs en ces mots il s'adresse :
— Quel est le motif du courroux
Qui sur moi vous fait ruer tous ?
Vous aurais-je, en entrant, fait quelque impolitesse ?
Pour la première fois j'arrive parmi vous.
Contre moi pourquoi donc une telle colère ?
— Mon cher, répond le plus gros chien,
Personne ici n'a, je crois bien,
Le moindre reproche à te faire ;
Mais sache que chez nous, lorsque survient un frère
Qui nous est inconnu, pour chasser notre ennui,
Aussitôt sans pitié nous nous jettons sur lui.

Souvent a lieu plus révoltante scène,
Non pas parmi les ours, les tigres, les,lions,
Mais bien parmi la gent humaine,
Sans bruit, à coups de langue, en de riches salons.

Livre II, fable 15




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