— Qu'ils sont heureux, disait à sa mère un poulain,
Ces superbes chevaux qu'à ce char on attelé !
L'argent de toutes parts sur eux brille, étincelle !
Bien nourris, bien choyés,(pansés soir et matin,
Leur plus grande besogne est d'aller à grand train
Promener du château notre maître à la ville ;
Tandis que nous, d'un pas lent et tranquille,
Journellement nous labourons
De durs, de pénibles sillons.
Mère, convenez-en, l'injuste destinée
Ne nous a pas favorisés.
Gomme il parlait encore, au grand galop traînée
Sur un cnemin bordé de dangereux fossés,
La calèche à l'instant culbute.
Dans cette affreuse et triste chute
Chevaux, maître et valets ont les membres brisés.
— Que cette déplorable scène,
Dit alors la jument, mon cher enfant, t'apprenne
A réprimer en toi de vaniteux désirs.
L'apparence est souvent trompeuse :
J'ai vu tout couverts d'or, de rubans, de saphirs,
Sur la tête portant une aigrette onduleuse,
De nos plus grands seigneurs des chevaux, des juments,
Qui paraissaient avoir le bonheur en partage,
S'avouer moins heureux que le cheval des champs
Qui de son humble sort se contente en vrai sage.