Le Cheval et son Poulain Fortuné Nancey (? - 1860)

Un cheval et son fils, jeune poulain de race,
Dans un herbage étaient au vert,
Où pâturaient de même, avec eux, en plein air,
Quelques bœufs à la lourde face.
Ces bœufs étaient laissés tout le jour au hazard,
Et la nuit à la belle étaile.
Les chevaux au contraire, au soir, sous un hangard,
Les épaules de plus couvertes d'une toile,
Trouvaient au râtelier, au-delà du besoin,
Ample provision de foin.
Plus longuement il ne faut, je le pense,
Expliquer cette différence
Entre des animaux qui, plus heureux que nous,
Savaient n'en pas être jaloux.
Arrive cependant, un jour, dans la prairie
Que par un des bœufs en furie
Le maître poursuivi courait quelque danger.
Le cheval l'aperçoit, part, et vient se ranger
Entre le bœuf et l'homme, et, par une ruade,
Fait si bien que l'homme s'évade.
Puis, auprès de son fils, il revient sans façon
Pour lui donner cette sage leçon :
Au risque d'une brouille et même de la guerre
J'ai sauvé des effets d'une grave colère
L'homme qui nous héberge et qui de nous prend soin :
La cause, la voici : je veux qu'il t'en souvienne ;

Fais toujours dans ce monde, ou de près ou de loin,
L'affaire de celui qui fait aussi la tienne.

Livre II, fable 10




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