Le Poulain et le vieux Cheval Ignacy Krasicki (1735 - 1801)

Un Poulain, méprisant les conseils de son père,
S'avise de quitter le doux séjour des champs;
Il veut, jeune insensé, suivre une autre carrière,
Il brûle de hanter les palais éclatants.
Chez un riche seigneur il obtient un asile;
Tout lui paraît d'abord riant, aimable et beau :
Bien nourri, bien pansé, satisfait et tranquille,
A peine il se souvient de son humble hameau.
Mais son bonheur, hélas ! ne fut pas de durée:
Quand un lourd cavalier vint s'asseoir sur son dos,
Qu'on eut bridé sa bouche et ferré ses sabots,
Qu'il eut senti sa peau meurtrie et déchirée,
Il se plaignit aux dieux de son rigoureux sort.
Un jour, par le, hasard conduit près de la ville,
Son Père, le voyant, lui dit : « Fils indocile,
Tu pleures aujourd'hui, tu gémis; c'est à tort :
Il n'est plus temps; ta plainte est inutile:
Quand ton Père a parlé, ses conseils t'ont déplu,
Souffre: c'est toi qui l'as voulu...! »

Livre I, fable 10




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