Un mendiant frappait à la porte d'un riche,
Qui répondant lui-même par hasard,
Et blâmant ces excès qu'aujourd'hui l'on affiche.
Pour la fraternité qui veut en tout sa part,
Croit faire assez en tirant de sa bourse,
Quelques gros sous, qu'il offre de tout cœur.
Le mendiant se plaint ; nomade voyageur,
Comme il en est beaucoup, il a bien longue course
Pour rentrer au pays, et s'il faut qu'en chemin,
Pour peu de chose il tende ainsi la main,
Avec terreur il envisage
Qu'il n'est pas de sitôt, au bout de son voyage.
Le fils du vieux richard, jeune homme d'avenir,
Se trouvait là, qui d'applaudir
Et de prier qu'on fasse mieux la chose ;
Le père qui soudain comprend,
Qu'il instruira son fils, sagement ne s'oppose
A l'élan de son cœur., et de suite se rend.
Et pour qu'enfin le pauvre ait bouche close,
Réfléchissant qu'il lui faut aller loin.,
Pour mettre le secours au niveau du besoin,
Il ordonne qu'on lui confie
Le meilleur des chevaux pris dans son écurie.
« Fais de cet animal comme s'il était tien »,
Dit le riche, « envers lui je ne te prescris rien,
« Souviens-toi seulement d'user avec mesure,
« Et pour voyager loin ménage ta monture ».
Mais il n'a pas le dos tourné,
Que l'autre d'abord étonné,
Puis ravi, transporté, puis en perdant la tête,
N'ayant jamais rêvé si belle fête,
Et de tout riche, enfin, croyant être l'égal,
Fait prendre le galop à son pauvre animal.
Méprisant ses anciens confrères,
Il les cherchait, mais pour s'en faire voir ;
Son plaisir était de pouvair
Eclabousser les pauvres hères.
Mais près de l'usage est l'excès,
Notre homme vit bientôt la fin de ses succès.
Le cheval épuisé, rendu, tout hors d'haleine,
Tombe à la fin, et de lui c'en est fait.
Au lieu du bien que l'on s'en promettait
Ce n'est plus qu'embarras et peine.
Le père attendait là son fils ;
Vois, lui dit-il,, j'ai gouté ton avis ;
Au-delà de son espérance,
Et de ce que doit être un honnête assistance,
J'ai fait riche le pauvre, et tes yeux ont bien vu
Ce qu'il a fait, ce que j'avais prévu.
Ici, prends deux leçons pour une ;
Sans doute il faut soulager l'infortune ;
Mais apprends que le pauvre, il le faut assister,
En raison seulement de ce qu'il peut porter ;
Et puis vois ; lorsqu'au lieu d'une ordinaire allure,
Dans cet homme qui croit, s'il force sa monture,
Que l'espace en est mieux franchi ;
Qu'il n'est orgueil que de pauvre enrichi.