Les Chasseurs bienfaisants Bourgeois-Guillon (19è siècle)

Sur des montagnes de la Suisse
Chassaient un grand seigneur, un gros négociant.
Dans ce pays on soit qu'il est fréquent
De trouver sous ses pas maint et maint précipice.
Le seigneur aperçut de loin
Un voyageur tomber et disparaître :
Il vole pour porter du secours au besoin.
En son chemin, il trouve un berger faisant paître
Sur le penchant d'un roc quelques chevreaux ;
II le requiert, ils arrivent au gouffre.
Heureusement à quelques arbrisseaux
Le voyageur restait suspendu. Que je souffre,
Dit le seigneur, de ne pouvair
De ce danger tirer cet homme. Laissez faire,
Dit le berger, le reste est mon affaire :
Avant une heure ici vous allez le revoir.
Le berger est grand et robuste ;
Soudain, de roc en roc et d'arbuste en arbuste,
Jusqu'au voyageur il descend,
Le charge sur son dos, non caus efforts, sans peine.
Au bord du gouffre il le ramène.
Fort bien, dit le négociant
Qui vient d'accourir hors d'haleine,
Dans ce malheureux accident
Vous avez apporté tous les deux, secours, aide ;
Ne pensez pas que je vous cède
Ma part d'une bonne action ;
Il me reste à remplir les devoirs d'assistance.
Tirant sa bourse : Ami, voici ta récompense.
Dit-il au bon berger. Connu dans le canton,
Le voyageur était au moins dans l'indigence,
Il 1'a.ssiste, et répand l'aisance en sa maison.

Le négociant fut sensible et charitable :
Le seigneur, homme et généreux :
Le berger, bon, officieux :
Quel beau sujet !... pour une fable.

Livre I, Fable 4




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