Les Chasseurs, le Lièvre et le Cygne Jean-François Haumont (17** - 18**)

La chasse à course est une des façons
De tourmenter un animal paisible.
Un jour, des cavaliers, fermes sur les arçons,
Couraient un lièvre : une meute terrible
Mêlait au bruit retentissant des cors,
Ses jappements funestes et discords.
Le fugitif, au bout de sa carrière,
Presque aux abois, rencontre une rivière :
Prêt à tomber au pouvair des chasseurs,
Un très-léger esquif par hasard se présente ;
Le malheureux s'élance au gré de l'eau courante,
Et vogue, en déplorant du destin les rigueurs.
Nouveau nocher, dit-il, sans nulle expérience
Je suis mort, si la providence
Ne daigne avoir pitié de ma douleur !
De ces hommes cruels, sauvé de la fureur
Les eaux m'éloignent du bocage ;
Comment pourrai-je atteindre le rivage ?
Le lièvre se croyait perdu :
Transi de froid et morfondu,
Mourant de faim, il aperçut un cygne,
Nageant avec célérité,
Grâce, souplesse et majesté.
Le malheureux lui dit : hélas ! si j'étais digne
De réclamer votre secours 9
Je pourrais m'acquitter peut-être un de ces jours...
Sans intérêt, on doit rendre service
Répond l'oiseau ; je rends grâce au destin propice,
Qui m'offre le plaisir heureux
De sauver de la mort un être malheureux ;
Et sans discourir davantage,
Il pousse la nacelle avec facilité.
Le pauvre lièvre en sûreté,
Descend sur le prochain rivage,
S'enfuit, prenant congé de son libérateur.
Préservé des chiens, du naufrage,
Il en fut quitte pour la peur.
Dans le danger ne perdons point courage.
Conserver le sang-froid, est un grand avantage.
Cet apologue en outre nous apprend,
Que de deux maux, on doit éviter le plus grand.

Livre II, Fable 20




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