Ô vous, que pare la vertu !
Vous qui méprisez la toilette,
Cet art futile et superflu,
Si recherché de la coquette ;
Qui laissez voir le front où se peint la candeur,
La véracité, la douceur ;
Ce beau trait, le miroir de l'âme,
Zélis, trop voilé de nos jours,
Reconnaît son droit, et réclame
La liberté, qui fut toujours
Le vœu de l'être qu'on opprime :
Dans le beau transport qui m'anime
Si je prends son parti, votre esprit l'a dicté ;
D'un faible essai recevez donc l'hommage ;
Heureux ! si je pouvais obtenir le suffrage
De celle qui toujours a dit la vérité.
Le front de la belle Clarice,
Disait un jour à ses cheveux :
Quel est donc ce nouveau caprice ?
Il me déplaît, il est affreux.
Je permets que l'on me décore
Vous pouvez m'embellir encore ;
Mais me voiler entièrement,
Ce procédé n'est pas galant :
Comme vous, j'ai droit de paraître.
Autrefois je faisais connaître
Par ma rougeur, la modeste vertu :
Je peignais la candeur, j'annonçais la décence,
De l'âge d'or les mœurs et l'innocence ;
Mais depuis que j'ai disparu,
Vainement je voudrais m'armer d'un air rigide "
Réprimer l'indiscret ; j'ai perdu mon égide.
Calmez cet injuste transport,
Répondent les cheveux ; vous avez très-grand tort
De nous blâmer d'une mode indiscrète,
Mise au jour par une coquette :
Nous gémissons ainsi que vous
De ce travers qui vous met en courroux.
Heureux, à la beauté de servir de parure,
Nous étions très-flattés d'embellir la nature.
Mais aujourd'hui, le plus mal- à-propos,
De perfides ciseaux, tels que ceux d'Atropos,
Nous ont sacrifiés : ah ! quel affreux martyre !
Oui, Clarice était en délire
Quand elle nous fit cet affront ;
Ainsi, trompé par l'apparence,
Vous ignorez, monsieur le front,
L'étrange excès de licence
De certains cheveux imposteurs :
Ces orgueilleux que l'on nomme perruque,
Naguère ne couvraient que la tête caduque..
Le nom seul de perruque eût donné des vapeurs
A l'objet charmant qui s'en pare.
Que la mode est chose bizarre !
Le pauvre Ariste, de son mieux,
Voudrait saisir l'instant propice,
Admirer de superbes yeux !
Il ne voit qu'un toupet factice :
Il s'enfuit ; et plein de courroux,
Maudit la perruque ennemie
Qui de Clarice, si jolie,
Ne présente qu'un sapajou.
Mais réjouissons - nous, et prenons patience :
En brumaire, un héros nous rendit l'espérance ;
Il fait plus aujourd'hui ; pour combler ses bienfaits,
Il console l'Europe, et lui donne la paix.
La paix, tant desirée, amène l'abondance !
Sous un sage gouvernement
Tout s'électrise dans l'instant.
Les arts, le goût, les mœurs, vont reparaitre en France :
Sur le front, la rougeur osera se montrer :
La modeste rougeur, témoin de l'innocence
Est la plus belle fleur qui puisse la parer.