Du plaisir, la jeunesse est toujours idolâtre.
Un jeune chat, rusé, badin, folâtre,
Ne pensait qu'à jouer, du matin jusqu'au soir :
On riait de ses tours, on aimait à le voir
Se divertir avec ses camarades ;
Cabrioler, sauter, et faire des gambades
Avec tant d'allégresse et de vivacité ;
Donner le coup de patte avec dextérité.
Un jour, abandonné des minets de son âge 9
Cherchant un compagnon, ayant du jeu la rage
Il voulut provoquer un grand et vieux matou,
Sévère, sérieux, fuyant le badinage.
Notre jeune étourdi lui dit en son langage :
Permettez-vous, papa, que je joue avec vous ?
Jouer n'est plus mon fait, répondit d'un ton grave
Le seigneur Rominagrobis :
Peut-être bien qu'au tems jadis
J'étais fou comme toi ; mais aujourd'hui je brave
La sottise et les jeux d'enfant ;
Je ne pense plus maintenant
Qu'à l'utile, à faire la chasse
A ces coquins de rats, ces perfides souris ;
Après, le sommeil me délasse ;
Doux repos plus flatteur que les jeux et les ris.
Le chaton, mécontent de cette indifférence,
Croyant bien que le jeu méritait préférence,
Tourmentait le vieux chat, tâchait de l'exciter
A se livrer au badinage
Qui de l'enfance est le partage ;
Tout cela, sans s'inquiéter
Si le jeu plaisait au bon-homme,
Qui fermait l'œil pour faire un somme.
L'espiègle, après maint et maint tour
Faisait jouer les dents, les grifses tour-à- tour ;
Puis d'un saut s'esquivant, abandonnait la place,
Pour éviter matou qui faisait la grimace.
Tant fit des siennes le lutin,
Que le jeu tourna mal ; qu'enfin
Un bon soufflet, au milieu de la face,
Fut la rude correction
Que méritait tant d'obstination.
Que la sémillante jeunesse
Au plaisir se laisse emporter ;
Elle doit toujours respecter
Le doux repos qui plaît à la vieillesse.