Sur un coq, par surprise, un chat s'était jeté.
De le croquer il avait grande envie ;
Toutefois à la cruauté
Le fin matois joignant l'hypocrisie,
Voulait, en employant de spécieux discours,
Justifier ce meurtre. « Eh ! quoi donc, tous les jours,
Te verra-t-on, dit-il avec colère,
Impunément par ta voix aigre et claire,
Des hommes troubler le repos ? »
« Moi ! repartit le coq, je leur rends au contraire
Un signalé service : à d'utiles travaux
Chaque matin je les appelle. »
« Fort bien ; mais volage, infidèle,
Pourquoi toujours courir de belle en belle ? »
« Je suis encore utile, et mon maître enchanté,
Grâces à mes amours, voit croître sa richesse :
Car dans sa basse-cour mon active tendresse
Amène la fécondité. »
Alors donnant cours à sa rage,
« Il a réponse à tout, dit le chat irrité.
Je suis trop bon, en vérité,
D'écouter tout ce bavardage :
Allons, trêve à ce sot caquet. »
Il dit, et l'étrangle tout net.
Homme faux et cruel, monstre de perfidie,
Lorsque du pauvre malheureux
Que le sort te livra tu veux trancher la vie,
Épargne-lui du moins les coups affreux
De ton infâme et lâche calomnie.