Le Berger prudent Théodore Lorin (19è siècle)

Un loup et le gardien d'un troupeau de brebis
S'étaient formellement promis
De ne se nuire en aucune occurrence.
Voilà, me direz-vous, une étrange alliance !
Que voulez-vous ? je n'en puis mais.
« Mon cher, dit l'hôte des forêts,
Vous faites, entre nous, une folle dépense.
A quoi bon nourrir à grands frais
Ce robuste mâtin, quand nous sommes en paix ?
De plus, vous nous marquez par trop de méfiance. »
« C'est, reprit le berger, un acte de prudence
Dont vous ne devez point vous tenir offensés,
Ni vous, ni vos amis. De la gent moutonnière
Que craignez-vous ? Elle est, vous le savez assez,
Douce, paisible, débonnaire,
Et n'attaquera pas, à coup sûr, la première. »
« N'importe : chassez votre chien,
Ou nous recommençons la guerre. »

Le berger se garda d'obéir, et fit bien.

Livre I, Fable 9




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