L'Arbre et le Berger Auguste-Alexandre Simon (1791 - 18**)

Sur l'écorce d'un jeune ormeau
Un jeune et tendre pastoureau
Traçait le nom de sa bergère ;
Et sa serpette, hélas ! ne le ménageait guère :
Il y allait d'un train, d'un train do passion ;
Vous jugez du dégât d'après l'expression.
Le pauvre patient, glacé par l'épouvante,
S'écrie : Au nom de ton amante,
Epargne-moi, berger cruel !
Pourquoi me déchirer sous ton couteau mortel ?
Contente-toi de mon ombrage,
Lorsque tu viens sous mon feuillage,
Parler, soupirer ton amour,
Payé d'un si tendre retour.
Confident, lu le sais, de la flamme secrète,
Mon amitié tendre et discrète
Mérite un traitement plus doux ;
Ah ! par pitié, suspends les coups.
— Comment, dit le berger, quand ma bonté l'honore
Du nom de celle que j'adore,
De reproches sanglants tu déchires mon cœur
Pour la plus légère douleur ;
C'est ainsi que tu sers qui jusqu'à toi s'abaisse
Et le cas que lu fais du nom de ma maîtresse ;
Reçois le prix de ton discours ;
Pars aux enfers et pour toujours.
Là-dessus il l'abat sans nulle autre sentence.
Que pensez-vous de sa vengeance ?
Je pense que, semblable aux grands,
Le berger, dans ses sentiments,
N'agit que selon son caprice,
Sans s'occuper de la justice.

Livre I, fable 11




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