Le bloc de Marbre et le Ciseau Louis de Valmalète (19 siècle)

Pour admirer une statue
Belle, imposante, et chef- d'œuvre de l'art,
On accourait de toute part :
Chacun à la louer à l'envi s'évertue.
Le Bloc d'un marbre pur d'où l'habile sculpteur
Avoit su tirer son ouvrage,
Témoin de ce concours flatteur,
Osait en tirer avantage :
Ces formes, ces contours, tous ces traits si vantés,
Dit-il, viennent de moi, mes flancs les ont portés,
C'est donc à moi qu'on rend hommage.
Le Ciseau, par hasard, était à ses côtés ;
Il est choqué de ce langage :
« C'est à moi seul, dit-il, que cet hommage est dû ;
Sans moi, personne ici ne fut venu ;
Tous ces admirateurs, le travail les attire,
Et le travail est fait par moi :
Sans moi, ce dieu serait bloc comme toi :
Or, est-ce toi que l'on admire ?
En toi, chacun ici ne voit qu'un embarras.
La dispute alla loin : après de vains débats,
Et s'être dit, selon l'usage,
Plus d'une injure et fait plus d'un outrage,
Consultons, dirent-ils, ce sage
Qui vient porter ici ses pas.
Après qu'ils ont conté le cas,
De tous deux, leur dit-il, quelle est donc la folie ?
Ce n'est ni toi, ni toi qu'on admire en ce lieu ;
Mais on vient du sculpteur admirer le génie :
J» Or, qui met le génie au sein de l'homme ? Dieu. »

Livre II, Fable 5




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