Les deux Blocs de marbre Honoré Antoine Richaud-Martelly (1751 – 1817)

Un Bloc de marbre, inquiet sur son sort,
Craignait toujours le ciseau de son maître.
Que deviendrai-je ? Une Vénus peut-être.
Mais m'en flatter ! je sens que j'aurais tort.
On peur de moi faire bien moindre chose ;
Un simple vase, un banc, que fais-je enfin !
Sur l'avenir bien fou qui se repose ;
Pour mes pareils rien n'est plus incertain.
Un autre Bloc, que ce discours réveille,
Lui dit : Ami, je fuis plus rassuré :
Je sens qu'en moi je cache une merveille,
Le ciseau va se conduire à mon gré.
Ainsi que moi, le Milon de Crotone
Fut quelque tems sans forme et sans valeur ;
Si maintenant la gloire l'environne,
Ainsi que lui j'en aurai le bonheur.

Il se trompait ; sa fin fut bien funeste :
Il fut en quarré long façonné pour un bane ;
L'autre dut à Puget l'honneur du premier rang.
Quel fut heureux ? Ce fut le plus modeste.

Livre I, fable 14




Commentaires