Parmi les animaux de la plus forte espèce
Un Singe se flattait d'avoir beaucoup d'amis.
A leurs repas toujours admis
Chacun lui faisait politesse ;
On n'était jamais bien sans lui :
Son aspect dissipait l'ennui.
Ours, Tigres, Léopards, composaient l'assemblée,
Animaux de haute volée,
Qui des plaisirs touchants ignorent la douceur ;
Tant il est vrai que la naissance,
Le rang, ou l'extrême opulence,
Vont rarement avec le vrai bonheur !
Le Singe, par mille folies,
Était l'âme de ces parties ;
On y riait à tous propos :
C'était la source des bons mots.
Qu'il est plaisant ! Comme il fait rire !
Qu'il est charmant dans ce qu'il fait !
Où prend-il tout ce qu'il fait dire ?
Ainsi chacun applaudissait.
Dans ces instants une gambade,
Une mine, une mascarade,
Du Singe étaient le grand merci.
Par son recueil d'historiettes,
De contes et de chansonnettes,
Quelque temps il vécut ainsi.
Enfin le fort, par qui tout change,
Frappa le Singe de ses coups :
De maux un assemblage étrange,
Dont le détail n'est pas parvenu jusqu'à nous,
Le rendit triste et misérable.
Dans un état si déplorable,
Il fallut chercher des secours :
Plein d'espérance, il eut recours
Aux Grands qui lui faisaient caresse.
A son abord chacun s'empresse,
Et se prépare à rire de ses tours.
Son début ne fut pas gai comme à l'ordinaire ;
Il fit de ses malheurs le plus touchant tableau,
Pour obtenir un secours nécessaire.
Tigres et Léopards, de ce conte nouveau
Ne savaient ce qu'ils devaient dire.
Un Ours prit la parole et lui dit sèchement :
Nous ne voyons pas là le petit mot pour rire.
Le Singe fut chassé honteusement.

Hommes d'esprit, que cette Fable
Vous donne une utile leçon ;
Sachez que rien n'est misérable
Comme le rôle de bouffon.

Livre I, fable 16




Commentaires