Il est de certains jours de fête
Où chaque famille s'apprête
A rassembler les parents, les amis.
Grande chère et grand feu : tout est là par écuelle
Un jour entier le couvert mis,
D'une gaîté toujours nouvelle
Flacons vidés animent les esprits
Dans un de ces repas, un homme à demi-gris
Dit à sa femme : Mon amie, Fais - moi passer cette perdrix.
Cela, dit-elle ! oh ! la bonne folie !
C'est un poulet ; regarde, mon garçon.
De dire ici lequel avait raison
Ce n'est pas le point nécessaire :
Mais le mari, fort en colère
De n'être pas obéi promptement,
Du ton d'un vrai mari lui repart vivement :
Je veux cette perdrix, ou... Point d'emportement,
Répond la femme plus tranquille ;
Mais sans nous échauffer la bile,
Conviens du moins que ce n'est qu'un poulet.
C'est une perdrix. — Non ; c'est un poulet, te dis-je.
- Suis-je donc fou ? Ai-je quelque vertige ?
- Sois ce que tu voudras ; mais conviens, s'il te plaît,
Que ce n'est point une perdrix. - Ma femme,
Je vais rabattre ton caquet.
De poulet en perdrix les assiettes volèrent,
Et bientôt en éclats le couvert fut ôté.
Tous les convives se levèrent ;
Non sans peine les apaisèrent,
Et chacun fût de son côté.
Un an après, à la même journée,
Fête d'usage fut donnée,
Où le mari, tranquille et plus sensé,
Tout en riant, rappela la querelle
Qu'à sa femme il fit l'an passé.
Nous étions saoul, répondit-elle,
De nous battre pour un poulet.
- Pour un poulet, dis-tu ? Souviens-toi mieux du fait :
C'était, j'ai la mémoire sûre,
C'était une perdrix. Et non, mon cher époux,
C'est un poulet, je te le jure,
Qui nous mit en courroux.
Dès ce moment la fête à l'autre fut semblable :
Même désordre sur la table ;
Mêmes foins pour mettre l'accord.
Enfin, les deux époux souvent de leur querelle
Riaient ensemble de plus belle ;
Mais à la même fête ils se battaient encor.
De tout cela que faut-il que je dise ?
Ce qui se prouve tous les jours.
Combien de gens connaissent leur sottise ;
Et cependant y retombent toujours.