Le riche avec le pauvre a partagé la terre,
Et vous voyez comment : l’un eut tout, l’autre rien.
Mais depuis ce traité qui réglait tout si bien,
Les pauvres ont par fois recommencé la guerre :
On sait qu’ils sont vaincus, sans doute pour toujours.
J’ai lu, dans un écrit, tenu pour authentique,
Qu’après le siècle d’or, qui dura quelques jours,
Les vaincus, opprimés sous un joug tyrannique,
S’adressèrent au ciel : c’est là leur seul recours.
Un humble député de l’humble république
Au souverain des dieux présenta leur supplique.
La pièce était touchante, et le texte était bon ;
L’orateur y plaidait très-bien les droits des hommes :
Elle parlait au cœur non moins qu’à la raison ;
Je ne la transcris point, vu le siècle où nous sommes.
Jupiter, l’ayant lue, en parut fort frappé.
« Mes amis, leur dit-il, je me suis bien trompé :
C’est le destin des rois ; ils n’en conviennent guères.
J’avais cru qu’à jamais les hommes seraient frères :
Tout bon père se flatte, et pense que ses fils,
D’un même sang formés, seront toujours amis.
J’ai bâti sur ce plan. J’aperçois ma méprise.
Je m’en suis repenti souvent, quoiqu’on en dise ;
Mais, soumis à des lois que je ne puis changer,
Je n’ai plus qu’un moyen propre à vous soulager.
Je hais vos oppresseurs : les riches sont barbares ;
Ils paraîtront souvent l’objet de mon courroux ;
Mécontents, ennuyés, prodigues, vains, bizarres,
Ce sont de vrais tourments : mais le plus grand de tous,
C’est l’avarice ; eh bien ! je vais les rendre avares :
C’en est fait, les voilà pauvres tout comme vous. »
Ainsi fit Jupiter. Les Dieux ont leur système.
Mais, soit dit sans fronder leur volonté suprême,
Je voudrais que le ciel, moins prompt à nous venger,
Sût un peu moins punir, et sût mieux corriger.