Le Soldat Thessalien Louis de Valmalète (19 siècle)

« Qui ? moi ! me battre auprès d’Achille !
Que pourrait-il m’en revenir ?
La honte, ou, tout au plus, une mort inutile ;
Ce serait là mon avenir.
Je ne me bats que pour la gloire ;
D’un soldat c’est l’unique lot :
La chercher près d’Achille est téméraire ou sot ;
C’est fou de le tenter, et sot que de le croire.
Non, j’y suis décidé, je ne me battrai pas,
Et, pour jamais, je renonce aux combats.
Ainsi parlait, aux rives du Scamandre, »
Un soldat qui d’Achille avait suivi les pas.
» Ciel ! que viens-je d’entendre,
Lui dit son camarade, a-t-on pu le penser ?
Qui ? toi, Thessalien ! aux combats renoncer !
Pourquoi ? pour n’avoir pas l’orgueilleuse espérance
De pouvoir de ton chef égaler la vaillance !
Pour n’être point Achille en es-tu moins soldat ?
En es-tu moins enfant de Thessalie ?
Lui dois-tu moins et ton bras et ta vie ?
En dois-tu moins enfin tout ton sang à l’Etat ? »
Qui te demandera le courage d’Achille ?
« Es-tu sorti du sang des dieux,
» Et Jupiter est-il au rang de tes aïeux ?
» A-t-il de tes faits glorieux
» Fait dépendre le sort des Troyens, de leur ville ?
» Eh quoi ! n’est-ce donc rien de se battre sous lui ?
« N’est-ce rien de l’avoir pour guide et pour appui ?
» Abjure, tu le dois, une crainte futile.
» A ce noble discours le soldat se rendit. »
Et contre les Troyens, de son mieux, combattit.

Après toi, Lafontaine, oser faire des fables !
Me suis-je dit, nouveau Thessalien :
Quel espoir peut être le mien ?
Près de tes œuvres admirables
Que sont mes faibles essais ? rien.
Mais, quand de l’ennemi la fureur et la rage
Dont on a droit de s’étonner,
De la patrie encor méditent le ravage ,
À défaut de talent, écoutant mon courage,
Sur tes traces, de loin, je me laisse entraîner ,
Et, si des gens de goût je n’obtiens le suffrage,
Puissent du moins l’honneur et le bon sens
Sourire à mes faibles accents !

Livre I, Fable 1




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