La Chèvre et le Loup Franz Hermann Lafermière (1737 - 1796)

Sur le sommet d'un rocher
De gigantesque structure, i
Suivant l'instinct de sa nature,
Une Chèvre s'alla jucher,
Dans l'intention d'y chercher
Quelque peu de nourriture :
Aucune autre créature,
Hors l'Oiseau, n'eût pu l'approcher.
Un Loup la vit. Hé ! ma Commère !
Lui cria-t-il soudain d'en-bas,
Où diantre portez-vous vos pas ?
Et quoi, pour faire bonne chère,
Ce vallon ne vous suffit pas ?
Voyez cette belle onde claire,
Qui, parmi la verte fougère,
Avec un gazouillis si doux,
À travers la plaine serpente
Sur un fonds de petits cailloux.
Regardez cette douce pente
Que couvre une herbe succulente ;
Plus loin ces raves et ces choux,
Qu'exprès une main diligente
Pour votre usage sème et plante.
Moi, je vous le dis, entre nous,
Si de cette roche pendante
Vous tombiez, contre mon attente,
On se moquerait bien de vous.
Descendez donc, je vous en prie,
Et n'exposez plus votre vie.
Car d'ici-bas, d'où je vous vois,
Je vous jure, ma bonne amie,
Que la tête m'en tourne à moi.

Je te connais, bête sans foi,
Dit la Chèvre, et des plus gloutonnes ;
Le conseil serait bon en foi :
Mais il suffit que tu le donnes,
Il est mauvais venant de toi.

Fables et contes dédiés a Son Altesse Impériale Monseigneur le Grand Duc, Livre III, Fable 10




Commentaires