Dans un vallon aimé des dieux
Et cher à la gent volatile ,
Les Oiseaux jouissaient d'un sort doux et tranquille :
De père en fils , ils y vivaient heureux ,
Quand , sous les lois d'un aigle débonnaire ,
Des factieux vinrent troubler l'État.
Leur plan atroce , sanguinaire
Fut si bien concerté , qu'un affreux attentat
Fit disparaître , un jour , l'aigle et toute sa race.
Le paon s'offrit pour régner à sa place ;
On y consent : l'illégitimité
Avait suffi d'abord pour trouver grâce ;
Mais bientôt la cupidité ,
L'ambition , l'envie , et leur sanglant cortège ,
Contre la pauvre majesté ,
Arment tous les Oiseaux avec impunité ;
Car il n'est plus , hélas ! de frein qui la protège .
Le premier qui parla fut un geai factieux.
« Qu'a donc , dit-il , pour régner en ces lieux ,
Ce sot titré, cet oiseau de parade ?
Un assez beau plumage ; mais le mien ,
Sans me flatter , vaut bien le sien ,
Et je n'ai pas du moins son air fat et maussade.
Voyez si ce monsieur , du haut de son orgueil ,
Daigne nous honorer seulement d'un coup-d'œil !
Je sais de bonne part qu'il nous brave , nous raille ;
Hier encor tout haut , nous traitant de canaille ! "
Plus de Paons parmi nous ! » Aussitôt dit que fait ;
De tous les Paons on s'est bientôt défait.
Notre Geai règne. A peine il a ceint la couronne,
Que l'on entend autour du trône
Un murmure confus de longs croassements.
« Quoi ! disait maint Corbeau , nous ! prêter nos serments
A ce sot , à cet imbécile ,
A cet éternel babillard
Qui , d'un ton rauque et nasillard ,
« Viendra dicter des lois au peuple volatile !
Faut-il aussi prêter hommage et foi
A madame la Pie , à ses enfants ? Mais quoi ,
N'êtes-vous donc pas las du pouvoir monarchique ?
Ne peut-on être enfin heureux que sous un roi ?
A bas , à bas les rois ! vive la république ! »
Ce cri , du Geai fixa le sort ;
Lui, sa femme , ses fils , tous furent mis à mort.
Leur perte à peine est consommée ,
Quand , arrivant du fond du Nord ,
Certain Aigle , qu'avait instruit la Renommée ,
D'un nouveau peuple ailé suivi dans ce vallon ,
Fond sur tous ces mutins , les met à la raison ,
Punit si bien leur félonie ,
Que de l'ancienne colonie
Il ne resta pas un Pinson.