Lorsqu'en l'Empire des Oiseaux
La Couronne était élective ;
On tint un grand conseil, où tous jusqu'aux moineaux,
Eurent voix délibérative.
Les Aigles, les Faucons étaient les prétendants,
Qui pour se faire roi, étaient les plus ardents :
Leur titre était leur force et leur courage,
Tous les oiseaux plus faibles qu'eux,
Rendraient incontinent hommage.
Mais comme ils vivaient de carnage,
La République étant encore en liberté ;
les plus sensés de cette Compagnie,
Leur ôtèrent l'espoir de cette royauté,
Appréhendant leur tyrannie.
Quand les Autruches et les Paons,
Se voyaient si bien mis, se lestes, si pimpants,
Chacun se fiant sur sa mine,
Croyait faire fortune en cette occasion :
Mais une puissance voisine,
Par quelque secrète machine,
Leur fit donne l'exclusion.
Enfin un perroquet qui sortait de l'école,
D'un docteur prenant la parole,
S'il m'appartient, dit-il, de vous donner conseil,
Trouvez bon que je vous enseigne,
Un Roi parfait qui n'a point son pareil,
Et dont vous bénirez à jamais l'heureux règne.
C'est le Phoenix, brillant comme un Soleil.
Qui sur tous les oiseaux emporte l'avantage,
Par le beauté de son plumage.
Il vit tout au moins cinq-cents ans,
Et n'est point chargé de famille,
Car il n'a point de femme ni enfants.
Quand il veut mourir il se grille,
Sur un bûcher fait de bois odorants,
Qu'il va chercher en l'Arabie heureuse :
Et le Soleil allume ce tombeau,
Avec une œillade amoureuse ;
Là naît un petit vermisseau,
D'où se forme un Phoenix nouveau,
Ressuscité des cendres paternelles,
Et comme il naît sans l'aide des femelles,
On peut jurer, sans courir de hasard,
De lui seul, qu'il n'est point bâtard.
Quand à ses autres avantages,
Jugez en à proportion ;
Car il chante en perfection ;
Mais les auteurs dans leurs ouvrages,
N'en ont point fait de mention ;
Quoi qu'il me semble en rendant de si beaux témoignages,
Qu'ils ont trouvé l'invention
D'en nourrir plusieurs dans des cages.
A cet avis chacun applaudissant,
Pour son élection, tous donnent leur suffrage ;
Mais parce qu'il était absent,
Soudain pou lui porter cette bonne nouvelle,
Partent mille courriers, qui vont à tire d'aile,
Aux climats les plus reculées,
Et dans les lieux les moins peuplés,
Qui font de le chercher exacte diligence.
Mais quoi qu'en sa faveur, l'histoire ait controuvé,
Pour établir son excellence
Ce Roi parfait ne put être trouvé.
Cette fable apprend aux lecteurs,
Que la vertu parfaite, est en vain demandée ;
Et qu'ici bas, elle n'est qu'en l'idée,
De quelques fabuleux auteurs.
Titre original : Des oyseaux et du Phoenix