Le Figuier et les Oiseaux Edmé Boursault (1638 - 1701)

Près de Lesbos fut jadis un figuier
Qui rapportait le plus beau fruit du monde.
Planté sur le bord d'un vivier
Il se lavait les pieds dans l'onde.
Tous les Oiseaux d'alentour
Se donnaient rendez-vous sous son épais feuillage ;
Et tant que durait le jour
Ils y chantaient leur amour
En bénissaient son ombrage.
Mais comme dans le monde il n'est rien de certain,
Et que c'est une mer qui n'est point sans naufrage,
Après un temps calme et serein
Il survint tout à coup un furieux orage.
Les vents en un moment agiteront les airs,
Il semblait que la pluie allait noyer la terre :
Enfin après beaucoup d'éclairs
Le figuier malheureux fut frappé du tonnerre
Les Oiseaux effrayés d'entendre un si grand bruit,
Dans le hameau prochain vont cherche un asile :
Et l'orage passé chacun d'eux s'entresuit
Pour venir habiter leur premier domicile.
Mais l'arbre, qui pour eux avait eu tant d'appas,
Accablé sous le faix d'une telle disgrâce,
Avoir si fort changé de face
Qu'on ne le reconnaissait pas.
Les premiers qui le reconnurent
Fut un épervier, un milan et autour,
Qui l'insultèrent tour à tour,
Et pour ne plus voir à l'instant disparurent.
Suivez-vous et vous ferez bien,
Disaient-ils aux oiseaux qu'ils crurent pilotables ;
Ce figuier désormais au rang des misérables
Ne peut plus nous servir à rien.
Pour moi, dit une tourterelle,
Qui ne concevait rien de plus cher que l'honneur
Je prétends partager sa fortune cruelle,
Puisque j'ai partagé ce qu'il eut de bonheur.
Il m'a tant fait de bien, reprit une colombe,
Que je m'en souviendrait toujours :
Je lui veux consacrer le reste de mes jours
Dans quelque disgrâce qu'il tombe.
Plût au ciel ! pourvoir par mes chants,
Ajouta tendrement un rossignol habile,
Lui rendre ses attraits et forcer les méchants
A revenir un jour lui demander asile.

Combien au tableau au paraît
En voit-on qui sont tout semblables ?
C'est ainsi que l'on reconnaît
Les faux amis des véritables.





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