Deux taupes employaient différemment la vie,
L'une au travail', l'autre à l'étourderie
La travailleuse, avec habileté,
Savait mettre à profit les beaux jours de l'été,
Alerte, activé, excellente ouvrière,
Au travail toujours la première.
Aussi santé, bonheur, plaisir
L'attendaient-ils dans l'avenir.
L'antre, pédante et sans courage,
Négligeait tout dans son. ménage,
Et disait aux amis qui parlaient des frimas ;
Moi, travailler ; si donc ! c'est bon pour des goujats.
J'ai de l'esprit, du tact, «le là finesse ;
Avec sous ces talents je nargue la détresse.
Vous me rompez la tête avec grands sermons
Terminés du refrain ; travaillons, travaillons.
Quoi ! je m'abaisserais jusqu'à gratter la terre ?,.,
Je suis taupe, il est vrai, mais j'ai l'âme trop fière :
Et d'ailleurs, si l'hiver devenait par trop froid,
De ma voisine alors j'honorerais le toit :
Le temps, dans sa course rapide,
Remplaçait lés* beaux jours par la saison humide :
Sur la terre bientôt, plus rien à grignoter.
La taupe active alors, ne pouvant plus trotter,
Creuse à deux pieds sous terre
Sa taupinière,
A l'abri des autans ;
Bénit Dieu, s'y blottit jusqu'au prochain printemps.
L'autre vient aussitôt au trou de sa voisine
Demander place au gite et part à la cuisine
Sur l'hospitalité fit un très-beau discours
Pour implorer quelques secoure,
Volontiers, lui dit-on, mais montrez votre patte ;
Par ce trou que voici, voyons, que je la tâte,
Car le toucher chez nous est plus lin que les yeux,
— La voici. — Je la tiens ; que de poils dans le creux I
Quels longs ergots ! pas la moindre crevasse,
Douce et polie autant que glace ;
Patte ainsi ménagée a dû se promener
Et peut aussi continuer.
Allez, mignonne, bon voyage.
Une autre fois soyez plus sage.;.
Tout, dans ce monde, n'a qu'un temps ;
Pour jouir en hiver, amassons au printemps,
La taupe avait raison ; malheur à qui ne gratte.
Dans la bonne saison pour la saison ingrate,
Sur ce sujet si j'aime à revenir, ;
C'est qu'on ne saurait trop prêcher pour l'avenir
Ni trop multiplier la piquante morale
Que là fourmi, jadis, fit à dame cigale.

Livre I, fable 12




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