La Souris et la Souricière Auguste-Alexandre Simon (1791 - 18**)

Infernale machine, ici tu perds ton temps,
Disait une souris près d'une souricière,
En convoitant des yeux les mois appétissants ;
Tu ne saurais duper qu'une tète légère.
L'expérience a trop appris
A fuir Ion amorce trompeuse,
Dé tes appas je fais mépris ;
J'ai dans mon trou de quoi me rendre heureuse.
De sa vertu ravie, elle part aussitôt ;
Mais le gourmand démon lui fait tourner la tête ;
Laisser, dit-elle, un si bon rot !
Je lui ferais pourtant une fameuse fête ;
Mais le danger est-il si grand
Qu'avec tant soit peu de malice
On ne déjoue, adroitement,
Le fin et cruel artifice ?
Essayons seulement pour nous en divertir ;
Dieu nous garde, surtout, d'y porter noire patte,!
Rien n'est si près du repentir,
Que de livrer notre âme au démon qui la flatte.
La raison condamnait l'essai pernicieux ;
Les sens disaient tout le contraire.
En folâtrant, souvent on vient ait, sérieux ;
C'est ce que fil notre commère ;
Et, prise au trébuchet, elle y trouva la mort,
Bien instruite des maux qui suivraient son envie.
Ne la condamnons point, sa faiblesse et son sort
Peignent le coure de notre vie.

Livre I, fable 15




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