Rosine et Pêrichon,
A l'œil malin, au pied mignon,
Et pardessus cent autres choses,
Fraîches enfin comme des roses,
Elevaient deux jeunes ormeaux,
Présent d'amour que leurs doux pastoureaux
Avaient planté dans loin* parterre,
Et sous le plus profond mystère,
A les bien élever on mit les plus grands soins ;
Mais, par un sort fatal, les deux petits mutin"; v
Poussaient à droite, où bien à gauche,
Et du tronc au sommet chaque branche était croche.
Rosine, sans perdre un instant,
Combat le mal encor naissant,
Eclisse en tous sens son élève,
Lorsque dans ses rameaux vient circuler la sève.
Chaque jour on la voit visiter l'arbrisseau,
Et chaque jour, aussi, disparait un défaut.
Elle attaque le mal jusque dans sa racine ;
L'arbre croit, s'embellit sous la main «le Rosine.
La tendre Périchon néglige et perd du temps,
Elle remet toujours de printemps en printemps
Pour corriger les défauts de l'enfance ;
Mais l'arbre, en vieillissant, prend de la consistance
Ce n'est plus cet ormeau si faible et si petit ;
Dans ses défauts il s'endurcit.
Il résiste aux efforts, aux coups de la tempête ;
Dans ses rameaux noueux le vent cède et l'arrête.
Il est temps se dit Périchon,
L'arbre fait face à l'aquilon.
Le moment est venu, mettons-nous à l'ouvrage.
Mais celui qui brave l'orage,
Se rit de ses faibles efforts.
Périchon voit trop tard ses torts.
Elle gémit, elle soupire ;
L'ingrat ormeau ne fait qu'en rire,
Et tout bossu, tordu, bancal,
Jamais, sur terre, il n'eut d'égal.
Voilà le résultat qui naît de la faiblesse ;
Si nos défauts naissants ne sont point combattus,
On détruit, dans vos cœurs, le germe des vertus,
Dont les fruits sont si doux au temps do la vieillesse.