Dans un appartement une mouche se glisse
Ici s'attache au plafond ;
Celle nappe de blanc est pour elle tut délice ;
La coquette se plaît, s'admira sur ce fond.
D'après l'histoire naturelle,.
Le blanc est pour l'insecte noir,
Ce qu'est pour une belle,
L'attrait de son miroir.
Il s'y complaît, en fait sa couche,
N'a que pour lui des yeux ;
Aussi notre brunette mouche
Était au comble de ses vœux.
Mais que le bien que l'on possède,
A peu longtemps d'attraits
On désire, on obtient, et l'instant qui succède ;,
Nous trouve indifférents à nos plus vifs.souhaits.
On lie saurait jouir d'une constance égale,
On quitte un bien parfait pour des plaisirs nouveaux ;
Ce plafond, neige hier, aujourd'hui d'un blanc sale,
Est délaissé pour les rideaux.
El des rideaux, notre mouche.légère,
Sur la pendule, albâtre éblouissant,
Vient se jeter Halte-là, téméraire !
Lui dit le globe transparent ;
Eh quoi ! tu n'es point satisfaite ?
Tant d'autres biens sont ta propriété ;
Cesse donc sur mes flancs de te rompre la tête,
Lorsque lu peux jouir dans la sécurité.
Ah ! du moins, tu m'entends ; si j'échappe à la vue, '
J'oppose un frein à ton désir.
Fuis la tentation, l'heure est bientôt venue,
Pour monter la pendule, on va la découvrir..
Prends garde, il y va de ta vie,
Si, sourde à mon discours,
On t'enferme sous mol, l'objet de Ion envie
N'est découvert que tous des quinze jours.
De la raison vaine parole !
L'horloger vient ; plus prompte que l'éclair,
La mouche part, sur l'albâtre, se colle ;
Recouverte aussitôt, la voilà manquant d'air.
Inquiète, effrayée,
Elle veut prendre son essor,
Sur le verre elle frappe, et, du choc renvoyée,
Tombe, repart soudain, frappe et retombe encor.
Sur le plafond, son œil alors s'attache ;
Voilà, dit-elle, un bien, hélas ! trop regretté !
Qu'il est beau, qu'il est blanc, il n'a pas une tache !
Et j'en pouvais jouir en toute liberté.
Ali ! destin, qu'ai-je fait ? halte-là, téméraire ;
C'est le destin qui te répond :
Rappelle-toi ces mots prononcés par le verre
Bien que ta conscience en savait aussi long,
A loi, comme aux humains, elle est partout visible,
Sous la forme du verre elle éclaira ton cœur ;
Mais, malgré ses efforts, le vice irrésistible
A causé ton malheur.
Résigne-loi, vois ton heure dernière,
Devant l'éternité va le justifier,
Et moi, sur les humains, souillant ta poussière,
Pour rappeler ton sort je vais le publier.

Livre I, fable 17




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