Un coq sentant un peu le vieux,
Mais encor vert, et portant bien sa crête,
Brûlait d'amour pour gentille poulette,
Mais n'osait déclarer ses feux.
Ayant bien ruminé le cas en sa cervelle,
Parbleu ! dit-il, notre jeune voisin,
Confrère vertueux, un véritable saint,
Pourrait bien de mes feux dire un mot à la belle.
Et, sans plus réfléchir, il court chez celui-ci,
En quatre mots lui peint sa peine,
Son amour, ses tourments, le sujet qui l'amène ;
L'espoir, le doux espoir qu'il place en son ami.
Le jeune coq, d'un air novice,
Accepte, observant toutefois
Qu'il n'entend rien à ces sortes d'emplois
Qui demandent du tact et certain artifice.
Après quelques débats, on tombe enfin d'accord,
On s'embrasse trois fois pour sceller l'harmonie,
Et, la confiance 'établie,
Sur la foi du traité notre vieux coq s'endort,
Formalités, baisers «le pou de consistance ;
Car le jeune étourdi, prés de l'objet d'amour,
Brûlant, amoureux à son tour,
Oublie, en un instant, le traité d'alliance.
Soyons notre seul confident,
Mu amour, intérêt, en politique, en guerre.
On gagne plus qu'on perd à garder le mystère ;
Ne se fier qu'à soi, voilà le plus prudent.

Livre I, fable 20




Commentaires