Brinca-cercas, un coq plein de valeur, vainqueur dans les luttes les plus terribles, se trouva une fois avec Trabucazo, qui avait une égale réputation de vaillance. Dès les premiers coups, Brinca-cercas tomba blessé avec une patte cassée. Son maître le fit enlèver aussitôt, et Trabucazo demeura maître du champ de bataille. Il se mit à chanter avec arrogance, gratta la terre et se moqua longuement de son adversaire.
Les mois se succédèrent ; un an s'écoula. Les deux coqs se rencontrèrent de nouveau pour la lutte. Le premier dit à l'autre : « Holà ! Trabuco, fais attention aujourd'hui où tu mettras ta tête ; car, à moins que ton maître ne te l'ôte, tu ne pourras la sauver de mes éperons. — Moins de paroles, répliqua Trabuco ; tu t'es échappé vivant l'autre fois, mais je vais te piquer si bien la figure que tu n'auras plus occasion de sauter les barrières. »
Enfin les deux ennemis s'attaquèrent et Trabuco commença avec une telle furie qu'il crut être sur le point
d'accomplir sa parole et qu'il se dit à part lui : « La chose est faite. » Le brave Brinca-cercas le suivait comme on surveille qui nous veille, et Trabucazo, au moment où il s'y attendait le moins, tomba sur le carreau, le crâne emporté d'un seul coup.
Alors demeurèrent muets ceux qui avaient applaudi sa première lutte, et ceux qui l'avaient appelé invincible célébraient alors avec enthousiasme son vainqueur.
Ainsi vont les choses en ce monde. Elles dépendent toutes de l'aveugle fortune. Tel qui est aujourd'hui victorieux et applaudi, s'il est vaincu demain, tombe sous le mépris.