Sur la patte d'un Coq un Coq avait marché.
Ce fait involontaire, aigrement reproché,
Entre eux fit naître une querelle,
Et puis après ce qu'on appelle
Une affaire d'honneur. Chacun prend son témoin :
Ils vont se cacher dans un coin,
Comme des criminels, pour s'arracher la vie.
Voilà ce que leur dit, en voyant leur furie,
Un Coq qui les guettait de loin :
Hé quoi ! craignez-vous donc que notre cuisinière
N'abrège pas assez le cours
De vos jours ?
Vos Poules, vos Poussins, vos amis, votre mère,
Que vous abandonnez par une erreur grossière,
Ne réclament-ils plus vos soins et vos secours ?
A vous assassiner, vous mettez de la gloire !
Que n'avez-vous plutôt présent à la mémoire
Ce Renard dont vos fils ont engraissé le flanc ;
Combattez-le, trempez vos ergots dans son sang,
Vous chanterez alors une juste victoire.
Mais croiser votre bec contre un bec fraternel,
C'est une absurdité sauvage,
Et ce n'est pas le vrai courage ;
Car on peut, sous le joug d'un préjugé cruel,
Être un Coq sans valeur et se battre en duel.
Cessez, mes chers amis, de vous prendre à la gorge,
La vie encor pour vous a des moments si beaux ;
Dieu libéralement sema d'avaine et d'orge
La terre où sans chagrins vivraient tous les oiseaux,
S'ils se montraient plus d'indulgence.
Vous survient-il un différend ?
Consultez d'un ami prudent
La bienveillante expérience,
Il vous inspirera des sentiments plus doux.
Mais, je le vois, ma remontrance
Adoucira votre courroux ;
Votre œil moins enflammé d'un plus doux regard brille,
Au fond, cette querelle était une vétille ;
Allons, voyons, embrassez-vous !
La paix est faite et voilà comme
On peut, malgré la haine et l'irritation,
Chez des Coqs furieux ramener l'union.
Que n'en est-il ainsi pour l'homme ?