Un jeune enfant dit un jour à sa mère :
Tu ne sais pas, maman, j'ai rêvé, celte nuit,
Qu'un gâteau de six pieds tombait droit sur mon lit ;
Je mis, pour le manger, presque ma nuit entière.
Tu penses qu'à la fin je crevais dans ma peau :
N'importe, j'avalai le gâteau.
Quand tout-à-coup sous les traits d'une femme,
Un spectre m'apparait, livide, affreux, infâme ;
Il étendait les bras comme pour me saisir ;
Ses yeux me faisaient tressaillir ;
Et sa bouche énorme, béante,
Me glaçait d'horreur, d'épouvante.
Sans me dire un seul mot, il me montre un miroir ;
Je jette un cri perçant à ce spectacle horrible ;
En m'y voyant, je crois le voir,
Mémos yeux, mêmes traits cl sa bouche terrible.
Plus je veux l'éviter, plus il frappe mes yeux ;
Et, quoique réveillé, je vois ce spectre affreux.
Rassure-moi, maman, d'une semblable crise.
—N e crains rien, mon cher fils, tout songe est une erreur,
Viens dans mes bras oublier la frayeur ;
Ton rêve t'a montré la laide gourmandise.
Ce sont là les traits, mon enfant,
Sous lesquels on peint un gourmand.
Tous les autres défauts sont semblable visage ;.
Pour te conserver beau, sois modeste, sois sage,
Sobre, bon, vigilant, soumis, laborieux ;
Et le même miroir, présenté sous tes yeux,
Sous mille traits charmants peindra Ut ressemblance.
Rappelle-toi, mon fils, ce rêve de l'enfance ;
Sois fier a l'avenir, niais en réalité,
De porter tes regards sur ce miroir sincère,
Aimable à la vertu, mais aux défauts sévères
C'est le miroir de vérité.