Dans l'atelier d'un peintre habile
Le pinceau d'un peintre igiîorant :
(Peintre d'enseignes de la ville)
Fut trouvé, par hasard, parmi ceux du savant.
Pareille compagnie excita l'insolence
Dos pinceaux délicats, piqués de celle offense :
C'était à qui renchérirait
Sur la tournure et le portrait
. Du pauvre intrus, et la satire
En dit mille fois plus que l'on n'en pourrait dire.
Pour le chasser, enfin, il n'y eut qu'une voix.
« Que vient-il faire ici ce peintre «le boutique,
Tout barbouillé d'essence et «le craie et de brique ?
Viendrait-il par hasard pour briguer nos emplois ?
À la porte, ou plutôt le saut par la fenêtre
Pour l'apprendre à salir l'atelier du grand maître !
— Doucement, répartit l'objet de ce courroux,
De vo3 talents, Messieurs, je no suis point jaloux,
Ni même de l'honneur de votre compagnie
Et surtout du bon ton de voire courtoisie.
Nos deux patrons, c'est vrai, diffèrent de destins,
Leurs talents ne sauraient être mis en balance ;.
Mais entre vous et moi quelle est la différence ?
C'est d'être en différentes mains ;
Ma livrée, en tous points, est semblable à la vôtre,
Tuyau de plume et poil au bout,
Et domestiques, voilà tout,
Vous d'un savant et moi d'un triste apôtre.
Rabaissez tant soit lieu le ton que vous prenez
Et ne dirait-on pas que c'est vous qui peignez ?
Si, pour parler.«lu peintre, on vous prône, on vous cite,
Ce n'est pas pour votre hiêrile ;
Vous êtes l'instrument que quelqu'un fait mouvoir ;
Sans ce quelqu'un, quel est votre savoir ?...
De grâce, répondez, ou souffrez que je dise :
L'orgueil, ce péché capital,
Place au-dessous de l'animal
Celui qui s'abandonne à pareille sottise ;
Il est le seul, privé de ces moments,
Où, malgré ses défauts, quelquefois mi sait plaire ;
Mais l'orgueil ne saurait changer de caractère ;
Il n'engendra jamais que des cœurs arrogant :;.
Ce défaut se transmet ; véritable héritage,
On le voit passer d'âge en âge ;
Et, chez les grands, un nom fameux,
Cent ans après, d'un sot a fail un orgueilleux.
Sur ce sujet intarissable
On en dirait, Dieu sait combien ;
Cela ne servirait à rien :
L'orgueil est un mal incurable.

Livre I, fable 13




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