Le Lapin qui se revêt de la peau d’une Gazelle Fables Sénégalaises

Au Bœuf maître d’un pâturage,
Certain Lapin devait un an de pension
A tous les gens du voisinage
Il devait sans exception;
Ici peu, là beaucoup.
Toujours sur son passage :
Payez l’herbe, ou payez le son;
Payez-moi, payez-moi; toujours même chanson.
Ayant tout épuisé, promesses et grimaces,
Il cherchait quelque méchant tour,
Car on en était aux menaces.
Il y rêvait tout seul, quand il découvre un jour
Une Gazelle morte et gisant sur la terre.
Messieurs mes créanciers, voilà bien notre affaire,
Dit-il, vous verrez du nouveau.
La Gazelle écorchée, il en revêt la peau,
L’ajuste de son mieux, et va dans la prairie.
« Pauvre Gazelle, hélas ! que t’est-il arrivé?
Et qui donc ainsi t’a maigrie ? »
Disait chaque bête attendrie.
— « C’est le Lapin que j’ai trouvé
Faisant quelque sorcellerie.
Voyez : il m’a maudite; il m’en coûte bien cher ;
Dieu vous garde de le fâcher ! »
— « Eh ! l’entendez-vous, ma commère?
Cet avis vous vient à propos ;
” Je crains quelque mauvaise affaire ;
Laissons le Lapin en repos. »
Le drôle ainsi paya ses dettes.
Tirons de cette fable une moralité :
Spéculer sur la crainte et la crédulité,
C’est jouer à coup sûr. Ah ! pauvre humanité !
Chez nous, par ce moyen, que de fortunes faites!

Fable 3


Notes de la fable 3 :

Gazelle est, dans ces fables y la traduction de kévèl, nom que les Sénégalais donnent a diverses espèces très-connues d'antilopes, qui sont de la même taille, de la même forme presque du même pelage, et qu'on ne distingue que par quelques légères dissemblances dans les cornes; telles sont la Gazelle proprement dite (antilope dorcas. Linn.); la Kévèl de Buffon, et la Corinne du même (d'après Adanson). La gazelle est grande comme un chevreuil; elle en a toute la grâce et toute la légèreté. Ses cornes sont noirâtres, assez grosses, marquées d'anneaux saillans, se recourbant en arrière et s'écartant en dehors, excepté la pointe qui se redresse en avant.

Les nègres croient beaucoup aux diables et aux sorciers. C'est un préjugé généralement reçu parmi eux, que ces mauvais esprits ont le- pouvoir de causer toute espèce de maladies ou de calamités, et surtout de faire maigrir les individus sur lesquels ils jettent leurs malédictions, ou des sorts, comme diraient les bonnes gens de France. Tels sont les noirs. Figure blanche, quid rides ?....De te fabula narratur.


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