Le Lapin et la Tortue Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

Un Lapin, mauvais garnement,
Voyant approcher la Tortue,
Se dit : « Je veux rire un moment.
Voici de quoi. » L’autre venue,

Il crie au secours. « Qu’avez-vous ?
Lui dit-elle, et que puis-je faire ? —
Je suis blessé, ma bonne mère.
Ah ! portez-moi jusque chez nous. »

Elle sans ruse et sans malice :
« Volontiers, et béni soit Dieu
Que, pour vous rendre un bon office,
Comme exprès j’arrive en ce lieu !

Montez. N’ayez peur ; je suis forte.
Je suis dure aussi, n’est-ce pas,
Pauvre petit! Et votre porte
Est loin encor ?... Doublons le pas. »

Lapin riait, debout sur elle,
Regrettant fort qu’on ne vit point
Une aventure si nouvelle ;
Mais quelqu’un survint tout à point,

Un chasseur, qui d’une broussaille
L'ajuste à l'aise ; il en pâtit,
Et, fuyant seule, Porte-écaille
Disait encor : « Pauvre petit ! »

A qui pouvez-vous faire envie,
Plaisirs dangereux du moqueur ?
Qu’il vaut bien mieux toute sa vie
Etre la dupe d’un bon cœur !

Livre VI, fable 11




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