La Lion et le Lapin Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

À la cour de sire Lion,
Un Lapin était dès l'enfance :
Il avait pris le meilleur ton,
C'était un Lapin d'importance.
Il avait l'air honnête et doux,
Sa politesse était extrême,
Il se montrait affable à tous,
Et chacun l'aimait pour lui-même.
On sollicitait sa faveur,
Car le Lion avait pour lui de la tendresse,
Et le Lapin sans cesse
Était auprès de sa grandeur.
Mais, goûtons-nous en cette vie
Le plus petit bonheur
Sans exciter la jalousie,
Et sans armer l'envie
Des traits de la noirceur ?
Au Lion un Renard un certain jour dit : « Sire,
J'admire en tout votre bonté
Et la douceur de votre empire :
Mais votre majesté,
Dans sa familiarité,
Reçoit ici des gens qu'elle devrait détruire.
Le Lapin est insidieux,
Et pourrait bien un jour détrôner sa hautesse ;
Il s'est fait parmi nous un parti dangereux.
Sans honneur, sans délicatesse,
Si vous l'avez tiré du sein de la bassesse,
Il doit y rentrer à vos yeux. »
Dans les hauts rangs la méfiance
Est un défaut très dominant,
Et l'on vous condamne souvent
Sur la plus petite apparence.
Le Lapin fut mis en prison.
Le Renard soudoya, pour mieux prouver son crime,
Des faux témoins pour faire illusion :
Et le Le Lapin fut la victime
De l'aveuglement du Lion.
Ne comptons jamais sur les hommes ;
Des grands toujours sachons nous faire aimer :
Fréquentons les souvent pour nous former,
Et rarement quand nous le sommes.

Livre III, fable 14




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