La Lionne et la Lapine Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Dans sa maison des champs l'obligeante Clarice,
En automne donnait l'hospice,
Tous les ans, à deux orateurs,
Tous deux assidus travailleurs,
Mais dont l'étude et l'éloquence
Ne rendaient pas leur fruit avec méme abondance,
L'un dans huit jours, sans plus, batissait un sermon :
L’autre à peine en trois mois. De cette différence
La Dame ne pouvant découvrir la raison,
La demande à certain critique,
Homme expert dans la Rhétorique.
Écoutez, repond-il ; un peu d’attention,
Et voici 1a solution,
Tous les mois, du Lapin la féconde femelle
Nous donne de petits une longue sequelle ;
Mais ce font des Lapins : faible production,
Au contraire, en toute une année,
A n'avoir qu’un petit la Lionne est bornée ;
Mais ce petit, c’est un Lion.

Telles font constamment les lois de la nature :
Plus son ouvrage est excellent,
Plus de temps elle y met, plus de peine elle y prend,
De là, que devez-vous conclure,
Si mes principes font certains ?
Que ces sermons à la douzaine,
Qu'on fait en courant et sans peine,
A dire vrai, ne font que des Lapins.

Livre I, fable 8




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