Le Limaçon et les Abeilles Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Depuis longtemps l'on dispute, l'on glose,
Pour découvrir si l‘animal
N’est que simple machine, ou si quelqu'autre chose
Le fait mouvoir, agir, raisonner bien ou mal.
Après cent disputes frivoles,
Dont retentissent les Ecoles,
On se trouve à peu prés savant
Comme on l'était auparavant.
Suivant le système des Fables,
Les animaux ont de l'esprit :
Notre maître Esope le dit,
Et semble l'établir par des preuves palpables ;
Son témoignage me suffit.

Limaçon dégoûté de son mince ordinaire,
Voulut dans une ruche aller faire grand’chère.
Il s’y glisse et transporte avec lui sa maison,
Comptant être à couvert et des traits de l'Abeille,
Et de toute insulte pareille.
Le Reptile, en cela, croyait avoir raison.
Mais il connaissait peu de cette volatile
l'adresse et la subtilité
A défendre son domicile,
Et le mettre à l'abri de toute hostilité.
Dès qu’on vit le larron enfermé dans la place,
De sen défaire on cherche le moyen.
Pour le percer, l'aiguillon ne fait rien ;
De tirer cette lourde masse
Est encor plus grand embarras :
On n'est pas assez fort de bras.
A quoi se décider ? Faut-il lui faire grâce ?
Non, mais voici ce que conclut
Le supréme conseil ; il frappa juste au but.
De tous côtés il entoure le Sire,
Et vous l'enduit d'une couche de cire,
Tant et si fort, le collant au plancher,
Qu’onc il ne put se détacher.
Par cet expédient, la Ruche s’en délivre.
Ainsi mourut de faim celui qui voulait vivre
Grassement aux dépens d’autrui.

Que de voleurs trompés ont péri comme lui !

Livre I, fable 9




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