Le long d'un mur, limite d'un jardin
Que Flore orna d'une main libérale,
Un Limaçon errait, non sans dessein,
Traînant son toit, qui s'allonge en spirale.
Chemin faisant, il se parlait ainsi :
Jusqu'à présent tout m'a bien réussi.
Dans ce jardin je voulais m'introduire,
Uniquement pour gruger et pour nuire ;
J'en ai franchi le mur, et m'y voici.
Vraiment je suis, quand je me considère,
Propre au métier de filou, de corsaire.
J'y vois la nuit ; je me glisse, en rampant,
Mieux que ne fait le plus rusé serpent.
Pour assoupir toute oreille ennemie,
Je n'ai sifflé ni chanté de ma vie.
Mes yeux perçants, en tubes allongés,
A droite, à gauche, avec art dirigés,
Vont explorant le danger que j'évite.
Au moindre bruit je les cache bien vite ;
Étroitement je m'enferme, et mon toit
Est d'un gris brun qu'aucun oeil n'aperçoit.
Le Limaçon se parlait à voix basse ;
Mais un Frelon qui l'entendait lui dit ;
Derrière toi reconnais-tu ta trace,
Reptile impur, des jardiniers maudit ?
Le corps rempli d'une bave argentée,
Ne l'as-tu pas, en chemin, rejetée ?
Un malfaiteur a beau se croire adroit,
Il se trahit toujours par quelque endroit.