Un riche cabinet où brillait mainte glace,
Avait sur un jardin deux balcons face à face.
Une croisée ouverte en la belle saison,
Y laissa pénétrer, de nuit, un Limaçon.
Là, sur un pot à fleurs d’abord il a pris place.
Il y broutait en paix. Mais quand le jour a lui,
L’insecte émerveillé voit d’espace en espace
Des êtres semblables à lui.
Étalant comme lui quatre cornes mobiles,
Comme lui voiturant leurs pénates fragiles,
Ils les voit se mouvoir à travers des cloisons
D’une admirable transparence.
« Voici, dit l’étranger, selon toute apparence,
Le paradis des Limaçons.
Bien faut-il s’aboucher et faire connaissance
Avec ces demi-dieux dont nous somme issus. »
Dans cette admirable pensée,
La bestiole s’est hissée
Sur l’un de ces miroirs, où ses regards déçus
Lui montraient sa figure en y cherchant son frère.
Souillé du Limaçon par la bave grossière,
Ce cristal cependant ne lui présente plus
Ces vivants portraits de famille.
L’insecte se détourne, et cornes et coquille
Dans un autre miroir s’offrent à lui soudain.
Par une marche adroite, encor que rétrograde,
Il hasarde une autre escalade ;
Mais, obstacle fâcheux ! d’un cep d’or et d’airain
Les pampres s’étendaient de l’une à l’autre glace.
C’est un fâcheux dédale où notre pèlerin
A chaque pas se blesse, et sans fruit se harasse.
Il s’y prit de toute façon.
Toutefois, de son entreprise
Quel fut le résultat ? Contraint de lâcher prise,
Tombant à la renverse, il brisa sa maison.
Bientôt, et d’elle et de son hôte
Un coup de balai fit raison.
Le fol ambitieux dont la mire est trop haute,
Le songe-creux épris de ce qu’il a rêvé,
Ainsi tombent souvent, à nu, sur le pavé.