Le Papillon, la Rose et le Limaçon Ulric Guttinguer (1787 - 1866)

« Ah ! tout vaut mieux qu’un inconstant ! »
Disait la fraîche rose au Bengale enlevée,
Et dans nos jardins élevée ;
« L’ingrat ne m’aima qu’un instant !
Un Papillon est donc partout le même I
Un regard, un baiser, et puis tout est fini ;
À peine on a prouvé qu’on l’aime,
Que le méchant vous en punit.
Mieux vaut cent fois un amant raisonnable,
Que l’on s’attache pour jamais ;
De corps, d’esprit fût-il moins agréable,
Tant mieux ; dans un choix estimable,
Moins de plaisirs, moins de regrets. »

Un Papillon entendit ce langage
Qu’accompagnaient des pleurs nombreux ;
Il trouva le moment heureux
Et fit offre de mariage.
Quand il eut bien traîné sa déclaration,
On l’accepta. Vous en doutez peut-être !
Hélas ! dans la colère on ne peut se connaître,
Pour le dépit tout choix est bon.

Celui-ci fut constant, par malheur pour la belle.
Son déplorable amour vint Pétrir ses couleurs ;
« Ah ! s’écriait la fleur ! que n’est-il infidèle !
Qu’il m’abandonne à l’instant, ou je meurs ! »
Mais son amant avait des principes sévères,
Il fut constant en dépit des prières,
Et la fleur en mourut. À ses derniers instants
Elle vantait, dit-on, les inconstants.

« Je serais plus à plaindre encore, disait-elle,
Si je n’avais, pour m’aider à mourir,
Gardé de l’infidèle
Un tendre souvenir.
Lui seul m’a fait connaître l’existence ;
Ce bonheur, il est vrai, ne m’a duré qu’un jour ;
Mais un instant, mais un éclair d’amour,
Vaut certains siècles de constance. »

Fable 21




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