L'Habit et la Robe de chambre Ulric Guttinguer (1787 - 1866)

Une Robe de chambre, un Habit de gala ,
Couchés sur la même banquette,
Attendaient le coup de baguette.
L’Habit tout chamarré s’écriait : « Hors de là !
» De grâce, un peu plus loin , ma mie. »
Mais voyez donc la belle compagnie, »
Pour moi qu’hier encore on accablait d’honneurs , »
Et qui marchais de pair avec les grands seigneurs !
» Ces laquais sont d’une indolence
» Dont sans doute j’aurai raison :
» A côté d’un gueux de chiffon
» Jeter ainsi mon Excellence ! »
Quelle horreur ! A coup sûr, Monseigneur le saura; »
Et je pense qu’alors… — Je crois qu’il en rira,
Dit l’humble vêtement. De votre orgueil extrême
Vous seriez, camarade , un peu désenchanté,
Si vous saviez combien peu l’on vous aime !
Tenez, hier encor, lorsqu’il vous eut quitté,
Monseigneur vous maudit, et de pensers pénibles
Me parut longtemps agité :
Ses regarda devenaient parfois sombres, terribles ;
Parmi des mots interrompis.
Je distinguais ceux-ci : « Jeu , femmes… perfidie ! »
Ambition , désespoir de la vie, »
Fatals honneurs, oh ! que d’instants perdus ! »
Il en aurait dit davantage,
Mais, s’enveloppant dans mes plis,
Je le vis aussitôt plus tranquille et plus sage.
Ah ! dis-je alors, restons ce «pie je suis :
Je ne gêne jamais mon maitre,
C’est un mérite rare et qu’il sait reconnaître.
Il m’admet pour témoin de ses épanchements;
Je vois, matin et soir , une épouse chérie
Amener de jolis enfants
Qui par leurs doux embrassements
Consolent son âme attendrie ;
De l’amitié, j’entends la causerie ;
J’ai dans ce cabinet moi-même pour amis
Ce bon fauteuil et ces livres choisis,
Et je passe ma vie entière
Avec Sterne, Rousseau, La Fontaine et Molière!

Messire Habit, gardez tous vos honneurs,
Courez les salons des seigneurs,
Cherchez le bonheur chez les autres,
Contentez-vous d’un mot ou d’un coup d’œil ;
Mais point d’insulte ni d’orgueil,
Mes amis valent bien les vôtres ! »

Fable 20




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