Une Robe de chambre, un Habit de gala,
Couchés sur la même banquette,
Attendaient le coup de baguette.
L’Habit tout chamarré s’écriait : « Hors de là !
» De grâce, un peu plus loin, ma mie. »
Mais voyez donc la belle compagnie, »
Pour moi qu’hier encore on accablait d’honneurs, »
Et qui marchais de pair avec les grands seigneurs !
» Ces laquais sont d’une indolence
» Dont sans doute j’aurai raison :
» A côté d’un gueux de chiffon
» Jeter ainsi mon Excellence ! »
Quelle horreur ! A coup sûr, Monseigneur le saura ; »
Et je pense qu’alors… — Je crois qu’il en rira,
Dit l’humble vêtement. De votre orgueil extrême
Vous seriez, camarade, un peu désenchanté,
Si vous saviez combien peu l’on vous aime !
Tenez, hier encor, lorsqu’il vous eut quitté,
Monseigneur vous maudit, et de pensers pénibles
Me parut longtemps agité :
Ses regarda devenaient parfois sombres, terribles ;
Parmi des mots interrompis.
Je distinguais ceux-ci : « Jeu, femmes… perfidie ! »
Ambition, désespoir de la vie, »
Fatals honneurs, oh ! que d’instants perdus ! »
Il en aurait dit davantage,
Mais, s’enveloppant dans mes plis,
Je le vis aussitôt plus tranquille et plus sage.
Ah ! dis-je alors, restons ce «pie je suis :
Je ne gêne jamais mon maitre,
C’est un mérite rare et qu’il sait reconnaître.
Il m’admet pour témoin de ses épanchements ;
Je vois, matin et soir, une épouse chérie
Amener de jolis enfants
Qui par leurs doux embrassements
Consolent son âme attendrie ;
De l’amitié, j’entends la causerie ;
J’ai dans ce cabinet moi-même pour amis
Ce bon fauteuil et ces livres choisis,
Et je passe ma vie entière
Avec Sterne, Rousseau, La Fontaine et Molière !
Messire Habit, gardez tous vos honneurs,
Courez les salons des seigneurs,
Cherchez le bonheur chez les autres,
Contentez-vous d’un mot ou d’un coup d’œil ;
Mais point d’insulte ni d’orgueil,
Mes amis valent bien les vôtres ! »