Une rose,
Nouvellement éclose
Au souffle du matin,
Mollement se berçait dans un pré de satin,
Parmi cent autres fleurs aux teintes les plus douces,
Parmi le vert gazon et les légères mousses.
Un papillon la vit et devint amoureux.
Ces charmants êtres là — non pas que je les blâme —
Dans une petite âme
Renferment de grands feux ;
Mais ils sont inconstants presqu’autant que les hommes,
Et nous sommes
Bien plus coupables qu’eux,
Je l’avoue à ma honte.
Cessons de commenter. Allons, ma muse, conte,
En peu de mots si tu le veux,
L’histoire tant redite
De la rose et du papillon.
Que chacun la médite
Et craigne de l’amour le cuisant aiguillon.
Mon papillon aima. C’est bien dans sa nature,
La douce créature !…
Allons ! encore une réflexion !
Vite, à la question.
Il aima follement comme toute jeunesse,
Et la rose, sensible à sa brûlante ardeur,
Prit un éclat nouveau, comme fait la pudeur
Qui devient larronnesse.
Ce que se dirent ces amants
Dans leurs chastes embrassements,
Je l’ignore.
Le papillon partit, plus il revint encore,
Et la fleur
Lui donnait chaque jour le parfum de son cœur
Et la fraîche rosée
Que l’aurore avait déposée
Dans son calice vermeil ;
Et lui, plein d’un amour pareil,
De son aile dorée à la fière corolle
Faisait une vive auréole.
Un jour il ne vint pas,
Et la rose, alarmée,
Ne pouvant voler sur ses pas,
Pencha sa tête parfumée…
Longtemps elle attendit son amoureux divin,
Longtemps ce fut en vain.
Elle perdit son doux arôme
Et jusques au loin, sur le chaume,
Ses pétales de feu s’en allèrent mourir.
À l’heure où les derniers allaient aussi périr,
Elle vit se traîner tout près, dans l’herbe tendre,
Un insecte chétif.
Son aile dévastée essayait de se tendre
Et ne le pouvait plus. Il arriva plaintif
Au pied de sa tige penchée
Et demi-desséchée…
C’était le papillon ses dernières amours !
D’une lampe, le soir, il avait vu la flamme,
Il avait d’une lampe écouté les discours :
C’était peut-être infâme,
Mais j’ose l’excuser.
La lampe le brûla dans son premier baiser.
La rose mourante l’accueille
Avec bonté, pourtant,
Et lui fait un abri de sa dernière feuille,
Parce qu’il était repentant.
La rose qui reste à sa tige,
C’est l’amour qui remplit sa noble mission ;
La lampe, c’est la passion
Qui donne le vertige ;
Le papillon, c’est nous,
Nous pauvres fous
Qui nous moquons de la constance
Pour voltiger à l’abandon !
Heureux lorsque la repentance
Nous ramène blessés et nous vaut le pardon !