Les Feux Saint-Elme et le Phare Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Un soir que l’océan roulait vers son rivage,
 Avec un bruit sauvage,
 Ses flots tumultueux,
Des aigrettes de flamme, au milieu des ténèbres,
Dansaient de toute part, sur les vagues funèbres
 Et dans les vents impétueux.
C’étaient les feux Saint-Elme et les feux Sainte-Claire.
 Joyeux et vifs,
 Ils s’approchèrent des récifs
Où brillait chaque nuit un phare solitaire.

— Pourquoi ne viens-tu pas avec nous voltiger ?
 Dirent-ils d’un ton léger
 À l’immobile lumière ;
Toi qui pourrais gaîment comme nous flamboyer
 Comment peux-tu dans ce foyer
 Demeurer ainsi prisonnière ?

Le phare répondit :

 — Pendant qu’en gais faisceaux
Vous jouez dans les mâts des malheureux vaisseaux
 Qui courent au naufrage,
 Moi je reste sur le rocher
 Pour leur défendre d’approcher.
 Je rends l’espoir et le courage
 Au matelot qui craint la mort ;
J’éloigne le danger et je montre le port.

 Les vains sectaires de ce monde,
 Avec leurs doux enseignements
 Qui changent à tous les moments,
Sont pareils à ces feux qui voltigent sur l’onde.

Seul il était hier, seul il sera demain,
Sur son roc éternel, dogme catholique,
 Ce phare symbolique
Qui guide dans la nuit le pauvre genre humain.

Livre II, fable 12




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