Le Loup converti Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Souvent, presque toujours les loups naissent et meurent
Avec leur goût sauvage et leurs grands appétits :
Les hommes font-ils mieux ? Fort souvent ils demeurent,
Au déclin de leurs jours, ce qu’ils étaient petits.

Je connus un vieux loup cependant, — par ouï-dire, —
Qui vécut longtemps mal, comme font tous les siens,
Dévora maint agneau, croqua même des chiens,

 Et qui finit par s’interdire
 Le moindre petit coup de dent.
Ainsi son repentir était bien évident.

 Dès qu’il changea de vie
Il fut bien obligé de fuir la compagnie
 De ses camarades des bois,
Car il aurait hurlé, pour le sûr, quelquefois
 S’il n’eut pas fait ce sacrifice :
L’occasion, l’exemple, et puis l’heure propice…
Il trancha dans le vif et voulut être agneau ;
C’était assurément le parti le plus beau.
 C’est ainsi qu’il faut faire :
 Ou tout ou rien.
Demi-conversion n’est jamais salutaire
 Et ne fait aucun bien.

On le vit à regret, malgré son air austère,
 Dans le pacifique troupeau ;
Car on ignorait si, tout en changeant de peau,
Il avait, en effet, changé de caractère.
Mais un jour il prouva sa droiture de cœur
 Par une admirable conduite :
Attaqué par des loups, il les mit tous en fuite
 Et demeura vainqueur.

En voyant un mouton d’une force pareille,
Les vieux loups, en effet, s’étaient dit à l’oreille
 Tout à coup :

Sauvons-nous, c’est l’agneau qui mange ici le loup !

Le persécuteur que la grâce éclaire
Et met à genoux dans l’humilité,
Devient fort souvent l’appui tutélaire
 De la vérité.

Livre II, fable 20




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