Le Renard et le Loup-cervier Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Un renard glapissait d’une façon bien triste :
Il s’était pris au piège. Un loup-cervier touriste,
Curieux de savoir la cause de ses cris,
Pour le venir trouver s’écarta de sa route.

— Voyez, dit le renard, comme me voilà pris ;
 Ah ! je méritais mieux sans doute !
 Je suis victime du devoir ;
On vous disait malade et je courais vous voir.

 — Ma griffe est forte,
Répond le loup-cervier que le plaisir transporte,
Ma griffe est forte et je suis bien adroit ;
Je ne saurais laisser renard au cœur si droit
 Dans un danger si redoutable ;
 Il faut être plus charitable.
Je vais ouvrir le piège ; allons, pauvre captif,
 Ôtez-vous, soyez vif.

Le loup-cervier, alors, par un effort suprême,
 Ouvre le piège un peu ;
Il sauve le renard, mais il se prend lui-même.

— Adieu !
 Lui dit avec artifice
 Le renard en partant ;
 J’admire fort ton sacrifice
 Mais n’ose pas en faire autant.

Ne faites pas le bien pour de vils honoraires ;
Écoutez votre cœur, mais aussi la raison.
Si de flatteurs discours vous rendent téméraires
Vous ne serez payés que par la trahison.

Livre V, fable 8




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