L'Ormeau prodigue Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Un orme avec orgueil agitait son feuillage
 Où les oiseaux venaient chanter :

— Quand on est comme moi l’on peut bien se vanter
 De ne pas craindre le pillage,
Disait-il, et l’on est toujours beau, toujours vert.

Une brise passa qui lui prit une feuille,
Mais il s’en moqua bien ; il n’avait pas souffert.

Une en plus une en moins que l’on perd ou recueille,
Quand on est bien feuillu, que peut faire cela ?
 Une autre brise s’envola
 Avec une autre feuille encore.
L’arbre riait toujours, disant :

— Pourquoi sévir ?
Non, ce n’est pas ainsi qu’on pourra me ravir
 Le beau voile qui me décore.

Chaque souffle pourtant le dépouillant un peu,
Il dut de son erreur faire un bon jour l’aveu.

Quelques vertus que l’on possède
On les perdra bientôt si l’on n’en prend grand soin.
La richesse fait place assez tôt au besoin
 Quand en aveugle l’on procède.
Une faible dépense épuise un gros budget
 Quand elle est faite à tout sujet.

Livre V, fable 9




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