L'Ormeau et le Cadran solaire Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

La volupté riante et le devoir austère
Sans querelle habitent chez vous.
Vrai miracle ; ces deux époux
Tes bas ne s'accordent guère.
Lun est grondeur, jaloux, brutal ;
L'autre, plus habile ou plus forte,
Rit souvent du joug marital,
Et met le devoir à la porte :
Un jour de cette vérité
Sur nos monts je trouvai l'emblème.
En un lieu des loups visite,
Quelqu'un suivant un goût que j'aime,
Loin de toute humaine cité,
Loin du plus déserté village
Avait bâti son ermitage.
Aussi point d'horloge alentour.
« Des heures, se dit-il, comment régler le tour ?
Car j'en veux faire un bon usage.
Eh ! n'ai-je pas l'astre du jour ?
Sur ma porte un Cadran solaire
Du temps va mesurer les pas.
Conseil muet mais salutaire.
Ti me rendra sage ; on n'est pas
Oisif pour être solitaire.
Nul excès cependant ; la prudence chez moi
Réserve au plaisir son emploi.
Il aura dans ma cour un abri de feuillage ;
Et, vienne quelque ami, mon petit vin nouveau
Sera du nectar sous l'ombrage. »
Il dit, et vous plante un Ormeau...
Où donc ? Devant la porte. Et le Cadran solaire ?
Dans l'ombre le voilà, malgré l'astre qui luit ;
Réglant le jour... comme la nuit.
Sous 1'Ormeau l'on n'y songea guère.
Le plaisir fut la seule affaire ;
- Comme il voulut le temps s'enfuit.

Livre XI, fable 3




Commentaires