Le Chêne et les Ormeaux

Charles-Louis Mollevaut (1777 - 18??)


Un Chêne était heureux au sein de nos vallons ;
Plein de vigueur, riche en feuillage,
Sous l'abri protecteur du paternel ombrage
Il voyait prospérer ses nombreux rejetons.
Tous s'aimaient d'amitié sincère :
Leurs bras flexibles s'enlaçaient,
Mêmes zéphyrs les caressaient ;
Du même côté, vers la terre
Toujours leurs fronts se balançaient.
Mais dans le voisinage
Ou n'était point si sage :
Vivant sans être unis, là de jeunes Ormeaux
Orgueilleux de leurs longs rameaux,
Agitant à grand bruit leur tête,
Insultaient le tonnerre et bravaient la tempête.
« Voyez-vous, disaient-ils, ces enfants de la peur,
Comme ils sont rassemblés dans leur crainte servile ;
Esclaves enchaînés, autour de leur asile
Ils rampent, et des cieux notre front est vainqueur ».
Tandis qu'ils vantaient leur bonheur,
Sur son aile bruyante apportant le ravage,
Éole accourt, s'enfle, souffle avec rage :
La famille se presse, et son fidèle accord
Du vent trompe aisément l'effort ; /
Alors que mutilés, écrasés par l'orage,
Leurs frères insolents, sans qu'on plaignit leur sort,
S'en furent murmurer sur le sombre rivage.

Voulez-vous être forts ? Qu'une douce harmonie
De ses nœuds enchanteurs l'un à l'autre voue lie.
Voulez-vous être heureux ?
Ne cherchez pas au loin : c'est dans le sein d'un père,
D'une chaste compagne, ou d'un ami sincère,
Que le parfait bonheur fut placé par les Dieux.
Ah ! si, trompant un jour mes destins rigoureux,
Ils daignaient m'accorder le seul bien que j'envie,
Laissez-moi, leur diraia-je, aux champs de mes aïeux,
Loin de Iet gloire et de l'envie,
Assister en famille MI banquet de la vie.





Commentaires