La Vigne et l'Ormeau Joseph-Marie de Gérando (1772 - 1842)

Aux champs de la belle Italie,
Jeune encore une vigne embrassait un ormeau.
L'arbre joyeux d'aider sa douce amie,
Avec amour recevait ce fardeau.
Non loin de là, rêveur et solitaire,
Un peuplier sur son pied se dressait ;
Sa tige raide et fière
Au doux zéphir à peine obéissait.
« A demeurer tristement enchaînée,
Qui t'a donc ainsi condamnée ?
Dit le peuplier orgueilleux, »
En jetant sur la vigne un regard dédaigneux.
« Vois comme en liberté j'étale mon feuillage !
Pampre cher à Bacchus, je plains ton esclavage. »
« Enchaînée !... Ah ! ma chaîne est celle de l'amour,
Répond la vigne avec un doux sourire.
Mon choix aux bras de l'orme a fixé mon séjour ;
ur moi la bonté seule exerce son empire.
Bacchus pour mon secours prépara ses bienfaits ;
L'ormeau verse sur moi les dons de la rosée ;
ur son sein je repose en paix ;
Bientôt, sans lui, sous le poids écrasée,
Je verrais mes trésors dans la fange enfouis.
Quels sont ceux, mon voisin, dont tu nous réjouis ?
Tes fruits ? »... Le peuplier garde un morne silence.

Mon fils, de ton heureuse enfance
Ici j'ai tracé le tableau,
Et ton cœur dans ta mère a reconnu l'ormeau.

Livre I, Fable 5




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