Les humains à leur tour sont de maîtres Renard,
Ils nous tendent de toutes parts
Des embûches de toute espèce :
Disait un vieux Renard à son fils écolier,
Crois-moi, reste dans le le terrier,
Ton peu d'expérience alarme ma tendresse,
La neige cache un fer prêt A trancher tes jours
Et ces pas imprimés m'annoncent des détours:
J'aperçois un poulet dans cette plaine aride
C'est un piège, mon fils. À cet appât perfide
Reconnais les humains, ce font-là de leurs tours :
Va, ne te laisse point séduire,
J'ai peine à te quitter dans cette occasion,
Il faut que j'aille à la provision.
Mon père y pense t-il ? Je sais trop me conduire !
Mais le voilà parti, que faire en l'attendant ?
Il peut avoir raison, je voudrais cependant
Voir le poulet enfermé dans la cage,
Le voir et rien davantage,
Le voir au plus quelques instants.
Je n'en puis craindre aucun dommage.
Je me retirerai lorsqu'il en sera temps,
Et certes ce n'est point la vue
Qui nous tue.
Il fait d'abord un pas, puis deux, trois... A la fin
Il avance, il arrive à l'embûche couverte,
Levé une patte en l'air et la pose incertain
Sur le fer qui s'élance et le perce soudain
Au moment qu'il se croit éloigné de sa perte.

Ainsi la volupté séduit.
J'éviterai, dit-on, son atteinte cruelle,
Je ne veux qu'un instant badiner avec elle.
Notre penchant nous y conduit ;
On croit en être loin encore
Et l'on sent dans son cœur le trouble qui la fuît :
On fait les premiers pas, et son feu nous dévore.

Livre I, fable 15




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