Un cheval bien connu dans plus d’une paroisse
Étant tombé malade, un jour,
Une profonde angoisse
Accabla, paraît-il, les chevaux d’alentour.
Ils quittèrent leurs écuries
Pour venir visiter leur ancien compagnon,
L’appelèrent mignon ;
Lui jurèrent que les prairies,
Depuis qu’il était alité,
Avaient perdu toute gaîté.
Tant de bonnes paroles
Consolaient le pauvre animal
Mais ne guérissaient point son mal.
Pendant ce temps l’avaine, à pleines casseroles,
Les bottes de foin,
Les litières de paille
Étaient servis avec grand soin
Aux amis qui faisaient ripaille.
Le médecin était venu.
C’était un sage méconnu
Qui de son grand savair ne faisait point parade.
— Je vois bien, lui dit le malade
Avec émoi,
Que c’est fini de moi :
Cependant je mourrais sans peine
S’il ne me fallait pas laisser autant d’amis.
— Consolez-vous, dit l’autre, et mourez bien soumis ;
Votre espérance est vaine
Si vous comptez sur leur appui.
Ils ont tout dévoré votre humble patrimoine,
Et si la mort, mon cher, ne vous prend aujourd’hui,
N’ayant plus de foin ni d’avaine,
Vous mourrez de faim
Demain.
Ne mettez pas votre joie
À compter des amis nombreux,
Que votre cœur plutôt s’emploie
À les choisir généreux.