Le Cheval malade Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Un cheval bien connu dans plus d’une paroisse
 Étant tombé malade, un jour,
 Une profonde angoisse
Accabla, paraît-il, les chevaux d’alentour.
 Ils quittèrent leurs écuries
Pour venir visiter leur ancien compagnon,
 L’appelèrent mignon ;
 Lui jurèrent que les prairies,
 Depuis qu’il était alité,
 Avaient perdu toute gaîté.

 Tant de bonnes paroles
 Consolaient le pauvre animal
 Mais ne guérissaient point son mal.
Pendant ce temps l’avaine, à pleines casseroles,
 Les bottes de foin,
 Les litières de paille
 Étaient servis avec grand soin
 Aux amis qui faisaient ripaille.

 Le médecin était venu.
 C’était un sage méconnu
Qui de son grand savair ne faisait point parade.

 — Je vois bien, lui dit le malade
 Avec émoi,
 Que c’est fini de moi :
 Cependant je mourrais sans peine
S’il ne me fallait pas laisser autant d’amis.

— Consolez-vous, dit l’autre, et mourez bien soumis ;
 Votre espérance est vaine
 Si vous comptez sur leur appui.
Ils ont tout dévoré votre humble patrimoine,
Et si la mort, mon cher, ne vous prend aujourd’hui,
 N’ayant plus de foin ni d’avaine,

 Vous mourrez de faim
 Demain.

Ne mettez pas votre joie
À compter des amis nombreux,
Que votre cœur plutôt s’emploie
À les choisir généreux.

Livre V, fable 7




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